288 pages | 230 x 250 | relié | 148 illustrations couleurs | tirage limité à 720 exemplaires | ISBN 978-2-86742215-7 | 42€
Auteur: Yves Bonnefoy
Le volume est composé de onze textes * d’Yves Bonnefoy, tous revisités et pour trois d’entre eux inédits, prenant source et appui sur l’œuvre du peintre iranien Farhad Ostovani. L’écrivain poète, ainsi, interroge autant la création et la poésie, que les paysages, le regard, la couleur, les arts – peinture et musique au premier chef –, les influences, l’univers artiste, les sources de la connaissance autant que celles de la beauté…
* Pour introduire // Un peintre de la mémoire de ce qui est // Au jardin d’Alioff // Deux façons de peindre // Ut musica pictura // Variations Goldberg // Le Grammont // Lumière captive mais libre // L’expérience des livres // Nos amies les feuilles // Art et nature. Les enjeux de leur relation.
« Il y a des évidences dont je ne cesse de m’étonner qu’on les oublie aussi aisément. Par exemple : il y a du sens à réfléchir à notre condition, n’est-il pas vrai ? Et la pratique artistique n’est-elle pas ce qui a permis à certains parmi nous de le faire avec profondeur, et d’être ainsi de quelque secours pour d’autres qu’eux ? Pensons à ce vieil homme chez Proust qui vient dans ses derniers jours se ressourcer à la couleur lumineuse d’un pan de mur dans la Vue de Delft. Vermeer lui permet de se dissiper dans une expérience de l’être plus vaste que ne l’est son attachement à sa propre vie, il l’aide à mourir en paix.
Alors, pourquoi devrait-on décider de moindre importance ou nécessité les musiciens ou les peintres qui continuent aujourd’hui encore à chercher, à leur façon à chacun, le sens à donner à l’existence ? Est-ce parce que Farhad Ostovani n’a besoin, comme le peintre de Delft, que de quelques centimètres de toile pour nous parler de ce qui importe ?
Pour ma part, je n’attends pas d’un tableau qu’il couvre tout un mur et s’intéresse aux moyens de la peinture plus qu’aux drames ou aux bonheurs de la vie du peintre ; ou qu’il refuse attention aux choses ou aux êtres qui comptent pour celui-ci sous prétexte qu’avec les mots qu’il emploie l’artiste ne peut bâtir que des représentations sans réalité. Pensée qui se devrait de crier que nos convictions ne sont jamais qu’illusoires, conscience du dérisoire de tout qui n’est pas sans sa sorte de tristes preuves, c’est vrai, mais qui ne va qu’à laisser champ libre au non-être, faisant du langage qui fut l’honneur de l’humain un fatras que la fin des temps n’aura qu’à balayer, très bientôt peut-être.
Non, je ne puis me satisfaire de cette poétique qui ne sait plus qu’il y a de l’être hors langage. Et a sens à mes yeux, et même grand sens, le regard qui s’attache à des choses de notre lieu d’existence et en perçoit le surcroît sur les descriptions que les mots en donnent. C’est vrai, les langues que nous parlons sont grevées d’un savoir conceptuel produisant sans fin de la chimère, et avoir compris cela peut assurément inquiéter, mais n’avons-nous pas, en revanche, une capacité de voir, et même d’aimer, qui sait reconnaître dans la moindre fleur du bord du chemin l’infinité d’aspects qui lui vaut, pour son bref moment, compacité, unité, intériorité, et en fait ainsi près de nous, pour nous, avec nous, ce que je puis bien nommer une présence ? Sur quoi, devant elle qui a paru, nous voici nous aussi de la présence. Et cette instauration réciproque, va-t-elle s’effacer, elle aussi, dans la vanité de tout ? Oui, mais, en vérité, peu importe : puisque tant qu’elle aura illuminé notre vie nous l’aurons vécue comme un absolu, partagé parfois même avec quelques autres que nous...
Du rien, rien que du rien, ce que rencontrent nos yeux, mais si souvent une suffisance : l’amandier, ce matin, tout bruissant d’abeilles, qu’évoquait Pierre-Albert Jourdan. Véridiques donc et, mieux que cela, bénéfiques, les peintres qui savent entendre ce bruissement des abeilles de ce qui est et nous en offrent l’écoute dans des tableaux de feuilles sèches que vent soulève, de montagnes au petit jour ou le soir, de prairies s’éloignant vers là où l’herbe touche le ciel. »
Yves Bonnefoy
(premières lignes de l’ouverture du livre)
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42,00 €Prix
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